Les Supérieur(e) s Majeur(e) Ignacien (ne) s (SMI) de 32 Instituts Religieux (1) comprennent plusieurs centaines de religieux (ses) s’inspirant de l’esprit de St Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites. Ils témoignent aujourd’hui du malaise et des difficultés rencontrées par les femmes au sein de l’Eglise.
Religieux et religieuses ignatiens, nous essayons de vivre de l’esprit d’Ignace de Loyola qui recommandait de « sentir avec l’Église », c’est-à-dire d’avoir le sens de l’Église. À l’heure où notre Église traverse une crise importante, le pape François invite le peuple de Dieu à relever le défi, à lutter contre le cléricalisme qui fait le lit de « l’entre-soi » et d’une conception abusive de l’autorité. Encouragés par cette invitation, nous désirons apporter notre témoignage.
La vie religieuse ignatienne est constituée de communautés d’hommes (les jésuites, et les Pères blancs) et de communautés de femmes (très nombreuses). Nous nous sentons bénéficiaires d’un même héritage spirituel. Les novices, hommes et femmes, apprennent dès les premiers mois de leur vie religieuse à se rencontrer, se connaître, se former ensemble. Bien souvent nous nous retrouvons ensuite, avec des laïcs de spiritualité ignatienne, au service d’une même mission dans des centres spirituels, des revues, des lieux de formation, des propositions pour les jeunes… Depuis longtemps, des femmes parmi nous accompagnent les Exercices Spirituels, qui sont le cœur et la source de notre spiritualité, de notre vie religieuse et de notre mission. Elles forment et supervisent d’autres accompagnateurs, laïcs ou prêtres. Nous constatons que cette collaboration entre hommes et femmes est essentielle à la fécondité de notre mission.
La diversité de nos insertions nous donne d’entendre des échos très divers de la vie de l’Église en France. Nous rendons grâce pour toutes les expériences de fraternité qui s’y vivent, à tous les niveaux : diocésain, paroissial, communautaire… Toutefois, nous ne pouvons taire le malaise et les difficultés que vivent beaucoup d’entre nous, en particulier des religieuses qui exercent avec compétence une responsabilité pastorale, dans une Église où le dernier mot revient à un prêtre, y compris lorsqu’il n’est pas requis qu’il en soit ainsi.
Le travail des femmes dans l’Eglise doit trouver sa place
Beaucoup de sœurs et de femmes laïques ont une mission de formation. Pourtant, leur travail reste souvent dans l’ombre tant il est habituel d’accorder plus de crédit à la parole d’un prêtre, fût-il moins compétent. Les directives canoniques (c.766) concernant l’homélie réservée aux ministres ordonnés n’empêchent pas de confier parfois la prédication à d’autres ; ne serait-il pas souhaitable d’avancer en ce sens lorsque les circonstances y invitent (fête de la vie consacrée ou fêtes auxquelles tel ou tel institut est, par charisme, plus sensible, ou en fonction des expériences ou compétences de telle ou tel) ?
Un autre point nous préoccupe : dans des paroisses, non seulement les filles ne peuvent plus être servantes d’autel, mais les femmes ne peuvent pas donner la communion. Aucun argument théologique ni liturgique ne fonde une telle pratique ; et même, ce sont essentiellement des femmes qui portent la communion aux malades, dans le Service évangélique des malades ! Quelle image de l’assemblée est ainsi donnée à voir ? Quel symbole est mis en valeur ? Celui d’une saine relation hommes-femmes ou celui d’un espace sacré où seuls les hommes et les garçons auraient droit d’accès ? L’état baptismal ne donne-t-il pas accès à la plénitude de la vie chrétienne, que l’on soit homme ou femme ? Là où l’ordination n’est pas requise – comme pour la distribution du pain eucharistique -, pourquoi faire des différences entre hommes et femmes ?
De telles attitudes relèvent sans doute d’une peur, en large partie inconsciente. Certes, la peur d’un délitement des identités, dans notre société, existe bel et bien. Nous la comprenons et ne la condamnons pas. Mais n’est-il pas dommage de porter atteinte, à cause d’elle, à la nouveauté évangélique ?
Notre désir est de travailler à des relations plus évangéliques entre hommes et femmes dans l’Église. C’est à une femme, Marie de Magdala, que le Seigneur a confié la première annonce de sa Résurrection ; ne craignons pas d’en tirer tous les enseignements !
(1) Ancelles Sacré Cœur Jésus, Auxiliaires du Sacerdoce, Cénacle, Communauté Saint François-Xavier, Compagnie de Marie Notre Dame, Compagnie Ste-Ursule de Dole, Fidèles Compagnes de Jésus, Filles du Cœur de Marie, Sainte-Chrétienne, Institut des Sœurs de St Joseph, La Croix de Chavanod, La Retraite, La Xavière, Marie-Auxiliatrice, Oblates du Cœur de Jésus, Missionnaires d’Afrique, Petites Sœurs de l’Ouvrier, Province Jésuite d’Europe Occidentale Francophone, Religieuses du Sacré cœur de Jésus, Religieuses de Marie Immaculée, Saint Ursule de Tours, Sœurs Marie Réparatrice, Auxiliatrices Province France Belgique, Sœurs de la Doctrine Chrétienne de Nancy, Sœurs de Saint-André, Sœurs de Ste Clotilde, Sœurs du Christ, Sœurs de Saint Joseph d’Annecy, Sœurs de Saint Joseph de Lyon, Sœurs Missionnaire Notre Dame d’Afrique Province France, Ursulines du Cœur de Jésus à Lyon, Congrégation du Sacré Cœur de Jésus de St Aubin Les Elbeuf.
Article paru ce jour dans La Croix